je suis la famille ★ tu longes les murs, caressant de tes doigts fins le papier peint effrité de cette maison qui t'a si bien vu grandir. il est vrai que ce lieu, il y a peu, était encore ton univers. Il était ton foyer, ta cachette et ta ceinture de sécurité à la fois. Il te rassurait, t'offrait confiance et combativité. Et, sans le vouloir, il était ton point de chute. Sa porte était toujours ouverte et toi, dès qu'un évènement troublant prenait place dans ta vie, tu te réfugiais ici. À Busan, dans cette grange qui, il y a peu, était toujours habitable.

Oh, tu as tant de souvenirs dans cette bâtisse. Des après-midi ensoleillées aux soirées pluvieuses, des rires aux pleurs, d'enfant à adolescente - c'est ici que tu as passé le plus clair de ta vie. Tu y as appris tout ce qui aura été nécessaire pour faire de toi celle que tu es devenue. Et, sans aucun doute, ne serais-tu pas la Sami d'aujourd'hui si tu n'avais pas été élevée entre ces murs.

Tes grands-parents avaient construit chacune des parcelles de ce terrain comme bon leur semblait ; ils t'avaient, d'ailleurs, toujours impressionné. De par leur force de caractère, de par les responsabilités qu'ils n'avaient jamais rechigné à endosser. Où serais-tu, à l'heure actuelle, s'ils ne t'avaient pas prise sous leur aile ? Tu n'en sais rien et tu ne veux même pas y songer. Et pourtant, lorsque ta mère est rentrée un soir complètement chamboulée, une terrible nouvelle à annoncer lui étreignant la gorge, ils auraient pu fuir et décréter qu'il ne s'agissait pas de leur problème.

Après-tout, elle avait disparu de la circulation. Vingt ans, volage et épicurienne confirmée, cette femme au quotidien marginal avait quitté le nid de ses parents sans jamais demander son reste ; elle avait disparu des alentours et était revenue, aussi  subitement qu'elle était partie. Mais ce qu'il s'était déroulé durant les deux années où elle fut loin de chez elle, personne ne le sut jamais. Ils n'en aperçurent tous qu'une partie, à savoir toi. Encore nourrisson à l'époque, elle t'avait amenée, demandant clémence et aide à ses géniteurs. Elle ne voulait pas être mère et si elle avait commis l'erreur de te garder, elle ne ferait pas celle de t'éduquer. Elle, elle rêvait de grandeur. Passionnée de théâtre, c'était au monde du cinéma qu'elle souhaitait se consacrer, non à celui de femme au foyer célibataire et dénuée d'aide externe.

Revenus financiers loin d'être suffisants, volatilité trop apparente, tes grands-parents acceptèrent immédiatement de t'élever à sa place. Pour ton bien, pour le sien, ce fut donc à l'unanimité le choix le plus raisonnable. Et aussi vite qu'elle était revenue, cette tornade était à nouveau repartie, te laissant là où elle-même avait vécu ses plus jeunes années.

Tu as longtemps réfléchi, tu t'es longtemps demandée si ta vie n'aurait pas été plus belle aux côtés de ta génitrice. Et à chaque fois que cette idée t'effleurait l'esprit, tu finissais sur la même conclusion ; ta vie aurait été totalement différente et pour toi, cela n'aurait pas été pour le meilleur. Alors, comme l'on évite de justesse un carambolage, tu avais évité de justesse une vie de bohème rythmée par les simples pulsions d'une mère trop nombriliste. Et comme ce que l'on ressent lorsqu'on passe à côté du coup fatal, tu te considéras toujours tel une miraculée.

Mode de vie sain et équilibré, tes grands-parents t'éduquèrent comme ils avaient éduqué leur fille ; avec fermeté, mais avec de l'amour en abondance et un brin de folie. Véritables personnages, ce couple était hilarant sans même chercher à l'être. Tu n'auras donc manqué de rien, bien que tu finis tout de même par te poser des questions une fois l'âge de la puberté arrivé. Certes, ta mère n'était pas une femme raisonnable, mais qu'en était-il de ton père ? Tu n'osas pas en parler, tout d'abord, de peur de froisser ceux que tu considérais comme ton unique famille, mais ces derniers n'étaient pas dupes. Et sans que tu ne t'y attendes, ton grand-père vint un jour te trouver, possédant toutes les réponses à tes questions.

Cet homme auquel tu avais tant pensé, ce géniteur qui t'intriguait tant, vivait en réalité aux philippines. Loin d'en être originaire, il y avait suivi son épouse ainsi que leurs trois enfants. Petite famille sans ombres, de toi-même tu refusas finalement la proposition d'aller lui rendre visite. Il avait construit sa vie, sans même savoir que tu aurais pu en faire partie. Et chambouler le quotidien équilibré d'un foyer ne t'intéressa pas. De plus, tu aimais bien trop ce lieu ainsi que ta vie pour t'en défaire. tu étais heureuse ainsi et le reste, ça n'avait plus d'importance. Ainsi, tu pris la grande décision de te contenter de ce que tu pouvais bien avoir, sans plus jamais t'oser à penser aux abonnés absents.


je suis la découverte ★ tes pas finissent par te guider au milieu d'une pièce maîtresse et un sourire nostalgique prend alors place sur tes lèvres. Il s'en est passé des choses, ici. Entre les sermons suite à des appels de l'école du coin, les déballages de cadeaux à noël ou encore les repas mouvementés suite aux trois caractères opposés des habitants de cette maison, ce salon en aura vu de toutes les couleurs. Mais plus encore, ce lieu est celui où tu découvris pour la première fois l'existence d'un monde te paraissant,  à cette époque, surnaturel.

tu crus, au départ, avoir un sérieux problème. Entre les objets se brisant d'eux-mêmes, les phénomènes étranges se produisant à tes alentours, tu te mis rapidement à paniquer. Alors âgée d'une quinzaine d'année, les sourires intrigués de tes parents d'adoption lorsqu'ils le remarquèrent furent sans appel ; ils avaient l'air terriblement heureux et excités. Chose que tu ne compris pas, tout d'abord.

Pourquoi tant d'enthousiasme alors que toi, tu pensais dur comme fer avoir un véritable problème ? Ils ne mesuraient clairement pas la gravité de la situation, du moins tu le croyais. À vrai dire, ils en savaient plus que tu n'aurais même osé l'imaginer. Puis, petit à petit, tout devint clair au fur et à mesure qu'ils te l'expliquèrent. Et tu te frappas de ne pas l'avoir remarqué avant. Après-tout, ils avaient toujours eu quelque chose de différent, ils avaient toujours été si atypiques, tu aurais dû t'en douter. Quels cachotiers, ces grands-parents à l'allure moldue tout ce qu'il y a de plus banal, alors qu'ils étaient des sorciers dont le niveau était à l'opposé de leur image.

En une nuit, tu appris l'existence de tout ce que tu croyais fantaisie. Et, instantanément, une question te vint en tête et tu ne pus la réprimée. Sortant de ta bouche comme une confession honteuse, tu demandas naïvement « et ma mère, elle est une sorcière aussi ? ». Tu étais perdue entre loups-garous, vélanes, sorciers et mages noirs, mais tu ne voulais connaître que cette information : tes parents étaient-ils, eux-aussi, des êtres extra-ordinaires ? Ce à quoi tu reçus comme réponse « il est temps que nous parlions d'une autre espèce, Sami. As-tu déjà entendu le mot cracmol ? »

Non, tu en ignorais tout. Et si au départ, tu crus à une nouvelle espèce fantastique, tu te rendis rapidement compte qu'il s'agissait-là d'un titre loin d'être honorifique. Cracmol, soit un enfant né de parents sorciers, mais n'ayant développé aucuns signes magiques. Rarement bien vu par les autres, ils débutèrent ainsi le camouflage de leur véritable nature. C'était dingue et tu n'y croyais pas ; ta mère avait vécu sa vie entière sans se douter que ses parents puissent cacher un si gros secret - secret qu'ils avaient mis en place afin que leur enfant ne se sente pas imparfaite. C'était rocambolesque, une histoire à dormir debout. Mais c'était la vérité.

Et comme tant d'autres descendants d'un Cracmol ayant conçu un enfant avec un moldu, la magie avait sauté une génération et avait fini par t'atteindre. Tu étais une sorcière, descendante directe de tes grands-parents qui, tu l'avais découvert, n'avaient jamais été fermiers. Couverture maligne qui leur permit, toute leur vie, de ne pas dévoiler que leurs journées étaient rythmées au ministère de la magie où ils avaient, durant de longues années, tenu un rôle important.

Durant plusieurs semaines, tu eus l'impression de vivre en plein rêve. Ayant arrêté de se cacher, tes grands-parents revêtaient enfin leur véritable nature et votre maison, auparavant si humaine, était devenue un véritable palace. La magie, ô magie, tu l'as adorée à l'instant-même où l'on t'apprit le b.a-ba du petit sorcier ; c'était comme vivre dans un livre, dans l'un de ces innombrables romans que tu aimais tant.

je suis la perte ★ à seize ans, tu observais le monde d'un oeil naïf et idéaliste. Si la magie existait, comment se pourrait-il que ta vie ne soit pas parfaite ? Mais tu eus à te rendre à l'évidence ; le monde sorcier n'était pas moins dénué de danger et de malveillance. Était-il même plus hostile ? Peut-être, peut-être pas. Tu as toujours été si partagée, ne sachant pas vraiment quoi penser, mais une chose était sûre, quoi qu'il puisse arriver, il s'agissait désormais de ton monde.

Et comme tous jeunes de ce monde, tu ne rêvais que d'une chose : débuter ton cursus scolaire. Tu voulais aller à Beauxbâtons, comme ta grand-mère. Ou à Poudlard, comme ton grand-père, tu n'arrivais pas à te décider.  Mais tu en parlais souvent avec eux, d'ailleurs, et ils se répétaient constamment sur les mêmes points ; peu importe où tu irais, tu serais la meilleure. Ils avaient toujours eu tant confiance en toi et en tes capacités. À dire vrai, pour eux tu étais tombée du ciel un bon matin et ce fut comme recevoir un cadeau de la part des dieux - de ce qu'ils disaient.

Tu le pensais également, tu les aimais terriblement, mais lorsque la guerre éclata ils ne purent rester impuissants, principalement celui qui fut plus qu'un père pour toi. C'était son école, ses amis et collègues. Mais, plus que tout, pour lui Poudlard était un symbole. Un symbole qu'il se devait de défendre, pour sa conscience, pour la jeunesse sorcière, pour ce monde tout entier. Et ainsi, sans que tu ne puisses les retenir, ils partirent défendre leurs valeurs et leurs idéaux, comme tant d'autres avant eux.

Tu étais si paniquée, tu avais tellement insisté pour les accompagner ou les faire rester, mais ça avait été peine perdue. Et l'on toqua à ta porte, tu répondis sur le qui-vive totalement paniquée et à voir ceux se tenant sur ton palier, tu compris instantanément. Pour que des hommes du ministère se déplacent - et tu reconnus même l'un d'eux comme étant l'un des amis proches de tes grands-parents -, c'est qu'il était arrivé quelque chose. Et tu sus avant qu'on ne te l'annonce. C'était inévitable et tu l'avais ressenti à l'instant-même où tu avais entendu les rumeurs du carnage ayant eu lieu à Poudlard. Ils n'étaient plus en vie.

je suis la solitude ★ mineure, tu passas les deux dernières années précédent ta majorité chez cet ami qui était venu t'annoncer la terrible nouvelle. Signalé sur le testament comme la personne la plus appropriée à prendre soin de ta personne en cas de disparition de tes tuteurs, il accepta le rôle et tu donnas ton accord également. Tu avais tout sauf envie de te retrouver entre les services sociaux et les familles de substitution ; ici, au moins, tout était clair. Tu resterais jusqu'au début de tes études et ensuite tu prendrais ton envole, sans chaînes ni contraintes.

Pourtant, ces deux années furent bien plus longues que tu ne l'aurais imaginé. Et, tout à coup, tu eus l'envie de simplement serrer ta mère dans tes bras. Elle qui n'était pas venue à l'enterrement, tu avais pourtant affreusement envie de la voir et de la rencontrer, au moins une fois. Tu te mis alors à la chercher et ce fut plutôt facile, finalement. Les moyens magiques étant considérablement plus efficaces pour retrouver une personne, tu découvris avec effarement que cette femme avait abandonné tous rêves de célébrité. Elle s'était rangée, s'était mariée et avait quitté le pays pour aller s'installer en Chine. Elle avait refait sa vie, sans même penser à venir te récupérer.

Et, sans le vouloir, bien que tu luttas durant des semaines, tu finis par te sentir totalement seule. Il n'avait suffi que de quelques semaines pour que ta vie dégringole et tu n'y étais pas préparée. Tu te renfermas, passant tes journées à te défouler sur des consoles moldues, ne sortant quasiment plus. Tu finis également par couper les pont avec tes amis d'autrefois ; de toutes manières, ils ne connaîtraient jamais ta véritable nature et tu ne voulais pas continuer de relations vouées au mensonge. Et en moins de temps qu'il ne faut pour dire ouf, tu te retrouvais bercée par la solitude absolue.

je suis le nouveau départ ★ c'est ce qui t'a permis de tenir. Ces derniers mois, l'idée que tu entreras d'ici peu à Wizasureru t'a presque remise sur pieds, te faisant recouvrir peu à peu tes sourires d'autrefois. Tu t'es mise à relativiser et bien que tu gardes une envie de vengeance profonde, tu tentes au mieux de l'ignorer. Tu as repris goût à la vie, chose qui n'est pas étonnante ; il était difficile de t'imaginer plus de deux mois ainsi, le teint morose et les traits marqués par la tristesse. Toi-même, tu ne supportais plus ton visage dans la glace le matin et tu te remis à vivre, aussi vite que tu avais vu ton coeur se briser. Page aujourd'hui tournée, tu n'abordes plus le sujet et te contente d'aller chaque année sur la tombe de ceux que tu as tant aimé, seul jour auquel tu te laisses t'adonner à un brin de nostalgie - et désormais, tu as décidé de vivre au jour le jour, sans plus penser au passé, ni au futur.